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Transferts au privé, télétravail, congé parental, handicap : les mesures examinées par le conseil commun

Six projets de décrets pris pour l'application de la loi de transformation de la fonction publique étaient au menu, ce 30 janvier, d'une séance plénière du conseil commun de la fonction publique. L'un d'eux, qui a été désapprouvé par l'ensemble des représentants syndicaux, règle la situation des fonctionnaires dont le service est transféré au secteur privé. Explications.

À l'exception de Solidaires - qui avait choisi de ne pas siéger -, l'ensemble des représentants syndicaux membres du conseil commun de la fonction publique ont voté contre un projet de décret précisant les modalités de mise en œuvre du mécanisme de détachement d'office des fonctionnaires dont les missions ou les services sont externalisés. "Lorsqu’une activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, des fonctionnaires exerçant cette activité peuvent être détachés d’office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l’organisme d’accueil", stipule l'article 76 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, en application duquel le projet de décret sera pris.

Les syndicats ont reproché, à la fois à la loi et aux dispositions réglementaires qui sont en préparation, de ne laisser aucun choix aux fonctionnaires concernés : malgré leur opposition à l'externalisation, ceux-ci devront suivre leur service. "C'est contraire au principe d'indépendance nécessaire à la fonction publique et surtout au choix de l'agent", estime Luc Farré, secrétaire général de l'Unsa fonction publique. En soulignant aussi que "l'agent public se doit d'être au service des citoyens et des élus", alors que "l'entreprise est là pour faire des bénéfices et n'a pas vocation à se plier aux contraintes du service public."
Ces dispositions constituent "un moyen parmi d'autres de sortir des fonctionnaires de la fonction publique et surtout un levier extraordinaire pour le gouvernement pour privatiser des pans entiers du service public", dénonce pour sa part Philippe Soubirous, secrétaire fédéral de la fédération générale des fonctionnaires Force ouvrière. Qui pointe par ailleurs plusieurs défauts, s'agissant des modalités de mise en œuvre du dispositif. Ainsi, "en cas de rupture à l'initiative de l'employeur d'accueil, il n'y aura pas de versement d'indemnité." De plus, à la fin de son détachement, un agent territorial sera placé le cas échéant en surnombre dans sa collectivité", ce qui ne garantirait la sécurité de son emploi que durant un an.
À l'issue de la réunion, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics a annoncé que le projet de décret serait, comme le veut la procédure en cas de vote défavorable unanime des syndicats, réexaminé lors de la prochaine réunion du conseil commun de la fonction publique, le 12 février.
Les cinq autres projets de décret – tous pris en application de la loi du 6 août dernier – qui figuraient au menu des discussions de l'instance consultative de la fonction publique ont, quant à eux, reçu un accueil majoritairement favorable.

Disponibilité pour élever un enfant

Ce n'est guère une surprise pour le projet de décret qui étend la possibilité de mise en disponibilité pour élever un enfant. La mesure figurait dans l'accord du 30 novembre 2018 sur l'égalité entre les femmes et les hommes dans la fonction publique : un agent obtiendra de droit une disponibilité pour élever son enfant, jusqu'à ce que celui-ci atteigne ses 12 ans - alors qu'aujourd'hui, la limite est fixée aux 8 ans de l'enfant. De plus, le fonctionnaire qui bénéficiera d’une disponibilité accordée dans ce cadre conservera ses droits à avancement d’échelon et de grade dans la limite d’une durée de cinq ans. Autre nouveauté : le congé parental pourra être accordé "par périodes de deux à six mois renouvelables", alors qu'aujourd'hui sa durée est nécessairement de six mois.

Recours ponctuel au télétravail

Avec un autre projet de décret, les conditions réglementaires de mise en place du télétravail vont être assouplies afin d'autoriser expressément le recours ponctuel à ce type d'organisation. Si leur employeur les y autorise, les agents qui en feront la demande pourront bénéficier de jours de télétravail "au cours de la semaine ou du mois", ainsi que "d’un volume de jours flottants de télétravail par semaine, par mois ou par an." Les agents pourront demander à télétravailler régulièrement (ce qui est possible depuis déjà plusieurs années), ou seulement de manière ponctuelle (ce qui est nouveau). On notera que dans ce dernier cas, l’administration pourra autoriser l’utilisation de l’équipement informatique personnel de l’agent. Et lorsque la demande sera formulée par un agent en situation de handicap, l'autorité territoriale devra mettre en œuvre sur le lieu de télétravail de l’agent les aménagements de poste nécessaires. Autre nouveauté à retenir : il sera accordé aux télétravailleurs une plus grande liberté dans le choix du lieu où ils exerceront leurs fonctions (pour plus de détails, voir notre article du 13 décembre qui portait sur ce projet de texte).

Parcours professionnels des agents en situation de handicap

Enfin, trois projets de décrets examinés par le conseil commun, viennent en application du volet de la loi de transformation de la fonction (articles 91 à 93) visant à mieux garantir l'égalité professionnelle au bénéfice des agents en situation de handicap.

Dans le cadre d'une expérimentation qui cessera en août 2024, les apprentis en situation de handicap pourront être titularisés, à l’issue de leur contrat d’apprentissage, dans le corps ou cadre d’emplois correspondant à l’emploi qu’ils occupaient. Un projet de décret fournit le mode d'emploi. Au préalable, les apprentis en situation de handicap se portant candidats à la titularisation devront adresser une demande trois mois au moins avant le terme de leur contrat d’apprentissage. La collectivité accordant une suite favorable à la demande, fera remplir par le candidat un dossier comportant notamment un CV et une lettre de motivation. Sur la base de ce dossier et d'une audition du candidat (qui ne doit pas dépasser 45 minutes), une commission évaluera l'aptitude de ce dernier à être titularisé. Cette commission sera présidée par l'autorité territoriale ou son représentant, mais sa gestion pourra aussi être déléguée au centre de gestion. Le classement s’effectuera au premier échelon du premier grade du cadre d’emplois d’accueil, sauf si, avant son contrat d'apprentissage, le candidat a exercé une activité professionnelle pouvant être prise en compte. Ces mesures s‘appliqueront aux apprentis "dont le contrat prend fin à partir du 1er juin 2020."

Un autre projet de décret fixe les modalités de l'expérimentation d'une procédure de promotion dérogatoire au droit commun, mise en place au bénéfice des fonctionnaires en situation de handicap. D'ici au 31 décembre 2025, ces fonctionnaires pourront accéder à un corps ou cadre d’emplois de niveau supérieur ou de catégorie supérieure par la voie du détachement, sous réserve d'avoir accompli la durée de services publics exigée pour l’accès par la voie du concours interne au cadre d’emplois auquel ils sont susceptibles d’accéder. Et si une commission spéciale retient leur candidature sur la base de leur dossier et d'un entretien. Si ces conditions sont remplies, le détachement sera prononcé pour la durée de la période de stage ou de formation initiale prévue par le statut particulier du cadre d’emplois d’accueil.
A l’issue du détachement, la commission dédiée procédera à l’audition du fonctionnaire détaché, sur la base du rapport de son supérieur hiérarchique et d'un entretien. La commission pourra alors déclarer le fonctionnaire apte à intégrer son nouveau cadre d’emplois, ou proposer de renouveler son détachement, ou encore proposer de le réintégrer dans son cadre d’emplois d’origine.

Un dernier projet de décret détermine les conditions dans lesquelles s'applique le droit pour les agents en situation de handicap de conserver les équipements contribuant à l’adaptation de leur poste de travail en cas de changement d’emploi, dans le cadre d’une mobilité. Il est notamment précisé que "les modalités de la portabilité sont définies par voie de convention entre l’administration d’origine et l’administration d’accueil de l’agent". Et que c'est à cette dernière que revient de prendre en charge les dépenses engagées dans ce cadre. Le projet de texte indique également les conditions dans lesquelles les personnes en situation de handicap peuvent bénéficier de dérogations aux règles de déroulement des concours, des procédures de recrutement et des examens.

 

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