Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 8 juillet 2019
Fonction publique

Projet de loi fonction publique : un texte de compromis qui ne lève pas les inquiétudes

Le site du Sénat a publié, en fin de semaine, le texte du projet de loi de Transformation de la fonction publique adopté en commission mixte paritaire le 4 juillet. Députés et sénateurs se sont mis d’accord sur le texte – accord permis par un bon nombre de reculs du Sénat. Qu’est-il advenu des points qui inquiétaient le plus les maires ?
Le 23 mai dernier, au sortir de son comité directeur, l’AMF publiait un communiqué pour faire part de son « inquiétude »  sur un certain nombre de mesures. Plusieurs de ces mesures sont toujours bien présentes dans le texte définitif.

Financement de l’apprentissage : le CNFPT lourdement mis à contribution
Dans le texte issu de l’Assemblée nationale, le gouvernement avait introduit un amendement de dernière minute faisant reposer une part considérable du financement de l’apprentissage dans la Fonction publique sur le CNFPT, sans lui attribuer de recettes supplémentaires. Cet amendement prévoyait que le CNFPT verse aux centres de formation des apprentis une contribution d’au moins 75 % « des frais de formation des apprentis employés par les collectivités et leurs établissements ». Cette dépense nouvelle a été estimée par les députés entre 55 et 100 millions d’euros, ce que François Deluga, maire du Teich et président du CNFPT, dénonçait le lendemain comme « un véritable hold-up », fustigeant au passage « un détournement de l’argent de la formation continue vers la formation initiale ».
Au final, en CMP, le montant de l’addition a été un peu diminué, mais reste cependant très élevé : la contribution est fixée à « 50 % des frais de formation »  (article 22 bis B). Aucune recette supplémentaire n’est prévue pour l’instant pour aider le CNFPT à faire face à cette dépense, qui pourrait s’élever à une quarantaine de millions d’euros. La mesure devrait entrer en vigueur le 1er janvier prochain.

Prime de précarité : toujours le flou sur le coût
Pas de modification en CMP sur l’article 10 ter du texte, qui fixe le principe d’une « indemnité de fin de contrat »  pour les contrats « d’une durée inférieure ou égale à un an »  et dont la rémunération est inférieure à un plafond qui sera fixé par décret. Cette prime de précarité ayant été introduite par le gouvernement par amendement au beau milieu des débats (elle ne figurait pas dans le texte initial), ne fait l’objet d’aucune étude d’impact. Elle sera pourtant coûteuse pour les collectivités territoriales – entre 400 et 500 millions d’euros par an, selon la rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, Émilie Chalas.
Philippe Laurent, maire de Sceaux et secrétaire général de l’AMF, rappelait à Maire info le 24 mai dernier que les employeurs publics n’avaient rien contre le principe d’une telle prime, mais qu’il ne jugeait « pas sérieux »  de proposer une telle mesure en ayant aucune idée de l’impact qu’elle aura sur les finances des collectivités.

Conseil supérieur de la fonction publique territoriale : le compromis sauvé
Autre point de crispation pour les maires : le nouveau rôle donné au Conseil commun de la fonction publique (CCFP) dans le texte issu de l’Assemblée nationale. Le gouvernement souhaitait que celui-ci puisse être consulté sur un projet de texte quel que soit le versant de la fonction publique concerné, ce qui avait été vécu par les représentants de la fonction publique territoriale comme une sorte de prise de pouvoir du CCFP sur le Conseil supérieure de la fonction publique territoriale. Une façon, notait alors Philippe Laurent, de « nier la spécificité de la fonction publique territoriale et de l’ensemble de ses représentants ».
Finalement, la CMP a conservé la version de compromis obtenue par le Sénat : le CCFP pourrait, en effet, être consulté sur tout projet de texte quel que soit le versant de la fonction publique concerné, mais seulement « après accord »  du président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale ou hospitalière.

Directeurs généraux : un décret qui disparaît
On se rappelle que la question du rôle des directeurs généraux des services des collectivités a fait couler beaucoup d’encre, après l’adoption à l’Assemble nationale d’un amendement établissant que les fonctions des DGS des collectivités seraient fixées par décret, et que ce décret leur donnerait un rôle de « pilotage des ressources humaines ». L’AMF s’était alors élevée contre « toute tentative de dilution du rôle de l’élu employeur », estimant que le « pilotage »  des ressources humaines devait rester l’apanage exclusif des maires et présidents d’intercommunalités.
Dans la version votée par le Sénat, la phrase incriminée (« [un] décret précise les fonctions exercées par le directeur général des services des collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale » ) a été supprimée. En CMP, les députés ont accepté de conserver cette suppression. Les parlementaires souhaitent maintenant demander aux parties concernées (en particulier l’AMF et le Syndicat national des directeurs généraux de collectivités) de s’atteler à la rédaction d’une « charte »  définissant le rôle de chacun.

Contrats de projet : les catégories C concernées
On notera enfin que l’AMF et les employeurs territoriaux n’ont finalement pas obtenu gain de cause sur la question de l’implication des agents de catégorie C dans les futurs contrats de projet (article 8). S’ils étaient favorables à l’instauration de ces contrats de projet, permettant de recruter un agent en CDD « pour mener à bien un projet ou une opération déterminée », contrats dont l’échéance serait « la réalisation du projet », les employeurs souhaitaient exclure du dispositif les agents de catégorie C, afin de « ne pas précariser les agents les moins qualifiés ». Ils avaient obtenu, au Sénat, que le dispositif ne s’applique qu’aux agents « des catégories A et B ». Cette mention a été retirée en CMP : les contrats de projets pourront donc concerner les agents de catégorie C.
En revanche, au grand soulagement des associations d'élus, l'amendement du Sénat permettant le primo-recrutement en CDI a été supprimé.
Le texte va maintenant revenir devant le Parlement pour une adoption définitive (le 17 juillet à l’Assemblée et le 24 juillet au Sénat). Après sa promulgation, plusieurs dizaines de décrets d’application devront être pris, à suivre de près, ainsi que plusieurs ordonnances.
Franck Lemarc
Télécharger le texte de la CMP.

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