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Projet de loi sur la fonction publique: ce qui changera pour les agents de l'État

Recours aux contractuels, fusion des instances de dialogue social, "détachement d'office"... Le projet de loi sur la fonction publique est présenté mercredi 27 mars en Conseil des ministres.

Recours aux contractuels, fusion des instances de dialogue social, "détachement d'office"... Le projet de loi sur la fonction publique est présenté mercredi 27 mars en Conseil des ministres. - Sébastien Salom-Gomis-AFP

Le projet de loi sur la fonction publique doit être présenté mercredi 27 mars en Conseil des ministres. Rejeté par l'ensemble des syndicats de fonctionnaires, ce texte aménage d'importants changements influant sur la carrière de 5,4 millions d'agents des trois fonctions publiques: État, hospitalière et territoriale.

Défendu par le gouvernement comme une nécessité pour la rendre "plus attractive et plus réactive" face aux "nouvelles attentes" des citoyens, le projet de loi sur la fonction publique sera présenté demain mercredi 27 mars en Conseil des ministres. Il s'inscrit dans un objectif de suppression de 120.000 postes d'ici à 2022 sur les 5,5 millions d'agents dans les trois versants (Etat, hospitalière, territoriale).

Il est rejeté unanimement par les syndicats (CGT, CFDT, FO, FSU, Solidaires, Unsa, FA-FP, CFE-CGC,CFTC) qui accusent le gouvernement de vouloir une fonction publique alignée sur les règles du secteur privé, au détriment du statut de fonctionnaire et de l'indépendance des agents à l'égard du pouvoir.

Voici les principales dispositions du texte présenté par le gouvernement:

RECOURS AUX CONTRACTUELS. Afin de "diversifier les viviers de recrutement", la future fonction publique pourra embaucher davantage de contractuels, qui n'ont pas le statut de fonctionnaires et représentent déjà environ 20% des effectifs (1,3 million par an qui "passent" en CDD et 900.000 présents quotidiennement sur 5,5 millions d'agents publics).
Pour "s'adjoindre de nouvelles compétences issues du privé", ces contractuels auront notamment accès aux "emplois de direction de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements de la fonction publique hospitalière" sur des postes à "hautes responsabilités", directeurs ou directeurs adjoints, aux fonctions régaliennes, majoritairement réservés aux énarques. Ce recours sera élargi à toutes les catégories dans les trois versants de la fonction publique (État, territoriale, hospitalière) qui regroupent 5,480 millions de salariés.

CONTRATS DE PROJET. Sur le modèle du secteur privé, un "nouveau type de contrat à durée déterminée", "le contrat de projet", est créé pour des "missions spécifiques". Il est valable pour toutes les catégories, d'une durée maximale de six ans et minimale d'un an, et n'ouvre droit ni à un CDI, ni à une titularisation. Une indemnité est prévue en cas de rupture anticipée. Les syndicats s'y opposent, réclamant un nouveau plan de titularisations et des mesures coercitives pour éviter le recours aux contrats, afin d'éviter la pérennisation de situations précaires. Certains d'entre eux craignent également un recrutement "discrétionnaire" pouvant favoriser l'inégalité de l'accès à l'emploi public contrairement aux concours, anonymes, et de possibles pressions liées au renouvellement ou non d'un tel contrat.

DIALOGUE SOCIAL: INSTANCE UNIQUE, COMMISSIONS PARITAIRES EXCEPTIONNELLES. Comme il l'a fait pour le secteur privé, le gouvernement prévoit de doter la fonction publique d'une instance unique de dialogue social "pour débattre des sujets d'intérêt collectif": le comité social d'administration (CSA), issu de la fusion des comités technique (CT) et d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) actuels. Ce CSA vise, selon Bercy, à gagner en efficacité en regroupant "des instances trop nombreuses". Le projet prévoit également un "recentrage" des compétences des commissions paritaires administratives (CAP): leur avis préalable sur les questions liées aux mutations et aux mobilités, à l'avancement et aux promotions est "supprimé". Elles seront désormais réservées aux situations exceptionnelles (procédures disciplinaires, recours...). Seule contrepartie: un "recours administratif préalable obligatoire" en cas de décision défavorable pour l'agent. Un accompagnement par un représentant syndical est également prévu pour les agents qui demanderaient un recours, selon le texte amendé.

MOBILITE ET "DETACHEMENT D'OFFICE". Le projet entend favoriser la mobilité au sein de l'administration ou vers le privé. Il prévoit des incitations allant de "l'accompagnement personnalisé", en cas de suppression de l'emploi, au "reclassement adapté". Des mesures d'accompagnement sont prévues sur le compte personnel de formation, garantissant la portabilité des droits entre public et privé. Il instaure un "détachement d'office" vers le privé ou un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial. Pour les syndicats, sans le consentement de l'agent, ce détachement devient une mesure contraignante, qu'ils dénoncent.

RUPTURE CONVENTIONNELLE. Le texte s'inspire également du secteur privé pour instaurer "un mécanisme de rupture conventionnelle, aligné sur le code du travail" pour les contractuels. Il prévoit cependant "une expérimentation s'agissant des fonctionnaires de l'État et hospitaliers" sur 5 ans à compter du 1er janvier 2020, une disposition élargie dans le texte amendé aux fonctionnaires territoriaux. Les syndicats y voient "un outil de plus" pour réaliser les "restructurations" prévues par le gouvernement, misant sur une baisse des crédits publics et des fonctionnaires. La CFDT relève que "contre toute attente", la rupture conventionnelle a été réclamée par certains agents eux-mêmes, ce qui "devrait être compris comme un signal fort de leur malaise (...) et interroger leurs employeurs".

Frédéric Bergé avec AFP